30 juin 2015

Le bruit des arbres

Juste à voir la bande-annonce, ça m'atteint.

Dette


On tombe parfois heureusement sur les mots des autres et l'on est séduit par l'à-propos, l'agilité, l'élégance... On contracte une dette. Le transfert est un jeu de billes. On est renversé par l'audace qui sacre à grands coups de Jarnac, cela est loin d’être sournois, dans la langue exposée aux quatre vents sur ces grands lacs majuscules de feux vifs comme des milliers d’yeux sous la lune, comme des peaux trouées de verbes dépeignés, équarris, que l'on défendra jusqu'à la lisière du jour, jusqu'aux creux des murmures de nos prochaines petites morts tendres si ponctuées, si populeuses de simagrées étranges, de malentendus, de tas de roches. Ainsi tangue le miroir dépensier dans le compte-gouttes de la tribu aux masques d'écrevisse pour le bon usage de nos soirs penchés vers l’amoncellement de plumes et de prières, poussières de silence à venir, brume à rebours d'encre inconsolable dans la barque du temps disparu, menée pourtant tambour battant comme une exclamation, quasiment comme un poème. Mais toujours, cette griffe qui strie le parcours incertain comme un appel à double tranchant vissé au corps, à la présence bien trop brève de nos amours porteurs de flambeaux. Pour s’échapper, une bonne sainte chance qu'on tombe parfois, la nuit surtout, sur les mots des autres.  



29 juin 2015

Mister Jamie Cullum de retour au Festival International de Jazz de Montréal

Jamie Cullum sera en ville le 1er juillet à la Maison symphonique dans le cadre du FIJM. Je lai d'abord vu mettre le feu au Spectrum en 2005, ce fut surprenant! Puis, à la très feutrée, sinon froide salle Maisonneuve en 2006 et ce ne fut rien de moins que renversant! (J'avais d'ailleurs griffonné un mot sur mes impressions au lendemain de ce spectacle sur le Train http://jack-jackyboy.blogspot.ca/…/jamie-cullum-ou-lappel-a…).

Nous irons le revoir cette année avec joie. Plus vieux, plus fou, encore plus vivant, de quel bois, en tout cas, on s'attend à une belle soirée d'été qui grouille! 

On peut le voir ici live en formule big band à Vienne en 2014. Voir entre autres comment ça chauffe vers 1:15:26 : 

28 juin 2015

Message tendre

Trop loin l'Irlande, à la voix claire, Claire Pelletier avec Richard Séguin (1997).

Pierre Curzi au 21e



Les interviews de fond à la radio et sur le web de Michel Lacombe à son 21e sont toujours amples et d'un vif intérêt. Au retour de ma cambrousse hier soir en auto, j'ai pu suivre avec bonheur la radiodiffusion de la rencontre avec Pierre Curzi, comédien, syndicaliste à l'Union des artistes et homme politique, « homme de principes » pour reprendre le titre de l'interview qui date d'avril 2015.

À mi-chemin de l'entrevue, vers 28.50 (cf. le site de Rado-Canada), Curzi remémore sa rencontre marquante avec le cinéaste Glles Carle (1928-2009) qui lui a tout appris du langage cinématographique. Puis, le comédien rappelle que le réalisateur des Plouffe, ce « grand professeur de liberté » comme le dira Lacombe, s'intéressait au plus près à la poésie. Il a cofondé avec Miron et d'autres camarades les éditions de l'Hexagone en 1953. Et l’on saisit d'autant le souffle qui anime Chloé Sainte-Marie, la muse rousse et flamme de Carle, en cette saison de À la croisée des silences.

Je relève à main levée le plus fidèlement possible ces quelques extraits de Curzi : « [...] tu te rends compte qu'être dans l'univers de la poésie, c'est profondément vivifiant et révolutionnaire. [...] Je pense que la poésie, c'est porteur de rêves et d'énergies, et c'est extraordinairement dynamique. [...] Les veines de la poésie, c'est les grandes veines de la société, c'est les grandes veines du comportement humain. »   
       

25 juin 2015

Orni qui mal y chante!

Encore un peu de musique en ce lendemain de Fête!
À vous Monsieur Philippe B.

La mer anglophone

Échos fraternels américains. 

David Vermette publiait hier sur sa page FB le fleur de lysée québécois avec le commentaire suivant 
« Today is la Fête Nationale du Québec. French-Canadians and Franco-Americans throughout North America also celebrate it as la St-Jean Baptiste. Bonne fête à tout le monde !
We’ve heard a lot about flags this week. I’m not a flag waver by inclination so why do I display this flag today? What does it mean to me?
With malice toward none, with charity toward all, it means that I support the right of Québec and all North America’s Francophone and Franco-gene peoples to defend our language and mores against cultural hegemony. It means opposition to empires and their colonial wars. It is a bulwark against monoculture and the Wal-Martization of North America. It means that great empires do not get to declare arbitrarily which ethnic groups are “superior” to which and therefore which ones are to be assimilated deliberately to the dominant culture “for their own good” (cf. Durham Report, 1839).
It means that there remains some corner of North America where people pronounce my name correctly, and understand my family’s history, and where the proper names found in our histories and geographies evoke more than a blank look. It means that all who struggled for all of these reasons above over a period of centuries did not struggle in vain. We honor what is honorable, correct what is correctable, and remember what is memorable. »

24 juin 2015

Vivre debout!

«Boire et dormir debout comme font les chevaux
Le pas de liberté inscrit dans leurs sabots »



« Vivre… Vivre debout
Pour me survivre
Délesté de mes vieux tabous
Mais le coeur toujours prêt à suivre
Le pas pressé du caribou
Vivre… Vivre debout!
Vivre la peur fermée mais la conscience ouverte
Sur l’horizon tremblant entre hier et demain
Vivre entre le début et la fin du chemin
Les cinq sens au repos, le sixième en alerte
Savoir trois électrons que j’appelle mon âme
Joueront au joli jeu de l’immortalité
Voir l’avenir… rêver d’être et d’avoir été
Et mon coeur qui s’entête à tirer sur les rames
J’apprivoise le temps en réduisant l’espace
Et sans me retourner pour entrevoir le port
Ce passage obligé qui se prend pour la mort
M’apparaît lumineux comme l’oeil d’un rapace
Vivre debout et prêt à partir à toute heure
Boire et dormir debout comme font les chevaux
Le pas de liberté inscrit dans leurs sabots
Puisqu’il y a toujours péril en la demeure
Pour défendre trois mots que disait mon grand-père
Apportés par chez nous au temps de Rabelais
En forme de rondeau, ballade ou triolet
Pour que mon petit-fils apprenne au secondaire
Que c’est en perdant ça que les peuples se meurent
Mais que c’est acadien de survivre au danger
Qu’être chez soi permet d’accueillir l’étranger
Et qu’il y a toujours péril en la demeure »
-  Gilles Vigneault

Pourquoi chanter?

« [...] pour le plaisir, le pur plaisir
d'échanger quelque chose »

Mon pays de Léveillé

« [...] et les FÔRETS? »

Bonne Fête nationale!

Photo JD, touffe d'iris de mon jardin, Béthanie, 19 juin 2015



21 juin 2015

L'ensauvagement refoulé des Canadiens-français


Solstice d'été et journée nationale des Autochtones.  Dans cet entretient à la revue Relations qui date de 2005, L'historien et sociologue Denys Delâge rappelle le métissage profond des Canadiens-français avec les Autochtones. Cela a forgé l'identité des Québécois.  Mais au lendemain de la Conquête britannique de 1763, le déni s'installe. S'immisce entre autres la crainte de subir le même sort que leurs voisins acadiens, eux-mêmes très ensauvagés, qui furent déportés. Le déni, la honte, le silence des liens rouges perdurent jusqu'à faire chavirer culture et mémoire. Il y a une trahison de notre beauté d'humain qui est très difficile à porter. Voilà le noeud de l'âme québécoise. Cela est bien sûr de peu d’importance en comparaison de l’état de pauvreté et d’acculturation que les communautés autochtones ont subi et subissent encore de nos jours.  Il faudra encore beaucoup d’efforts en éducation et en politique pour rebâtir notre histoire nationale comme le réclame par ailleurs l’anthropologue Serge Bouchard.

Plus bas, je renvoie à une conférence de Denys Delâge prononcée à la Grande Bibliothèque en juillet 2013 sur le thème de La Grande Paix de Montréal de 1701.

Des influences refoulées
réalisée par Jean-Claude Ravet 
Les Canadiens français ont été en étroites relations avec les Autochtones au temps de la Nouvelle-France, au point de marquer de façon significative leur manière de vivre et de penser. Pourtant, cette influence est très peu connue. Que s’est-il passé pour que le voile tombe sur ce pan de notre histoire? Le sociologue Denys Delâge, professeur à l’Université Laval, s’entretient avec Relations de cette réalité méconnue et des sources d’un déni.

Relations : Les Autochtones occupent peu de place dans notre mémoire collective. C’est comme s’ils n’étaient pas là. Ou si peu. Comment comprendre ce trou de mémoire?

Denys Delâge : C’est assez énigmatique, d’autant plus que la proximité était très grande entre les colons et les premiers habitants du territoire, sous le régime français particulièrement. Quand on consulte les documents de l’époque de la Nouvelle-France, les Amérindiens y sont omniprésents.
Les colons qui s’installent sur les terres sont impressionnés par le courage des Amérindiens qui vivent dans des conditions qu’il leur serait difficile de supporter, la plupart étant nomades, sans maisons fixes, passant l’hiver dans le bois. Les colons leur empruntent énormément de choses : plantes médicinales, techniques de survie en forêt, de chasse et pêche, déplacement dans le bois en hiver, etc. C’est aussi vrai pour le commerce des fourrures et pour la guerre. Les Innus, associés aux Algonquins, associés aux Hurons sont en guerre contre les Iroquois et souhaitent l’appui des Français. Le rapport entre les uns et les autres s’est fondé davantage sur le mode d’une alliance à des fins commerciales et militaires que sur celui d’une conquête. Ils font des expéditions ensemble, les colons apprennent à faire une guerre de guérilla et d’embuscade, comme le faisaient les Autochtones. On dit à l’époque qu’un guerrier amérindien vaut deux soldats canadiens, et qu’un soldat canadien qui a appris des Amérindiens, deux soldats français entraînés à faire la guerre sur des grands champs de bataille.
Cette forte interdépendance qui s’est tissée entre colons et Amérindiens transforme radicalement les représentations que les Français se faisaient des « Sauvages ». L’image du barbare demeure tenace à l’égard de l’ennemi, les Iroquois et leurs alliés, à cause de leurs pratiques guerrières, notamment la torture infligée à l’ennemi, jugée dégradante – les méthodes européennes ne l’étaient pas moins, sauf qu’elles répondaient à des rituels et à une symbolique différents. Mais elle laisse vite place à de l’étonnement mâtiné d’estime et d’admiration donnant même lieu à un questionnement sur soi. Leur société égalitaire, la manière très libre d’éduquer les enfants, sans corrections physiques, les impressionnent beaucoup, de même que le respect des conventions et de la prise de parole de chacun dans les conseils, et l’attention avec laquelle on écoute chacun débattre.
Le témoignage du père Lejeune, jésuite, est le plus bel exemple de ce changement de perspective. La description qu’il fait d’une communauté innue dans laquelle il passe l’hiver 1634, au sud de Rivière-du-Loup, n’est pas loin d’un peuple barbare. Par contre, vers la fin de sa vie, en 1658, il écrit des textes qui pourraient être attribués à un anthropologue contemporain tellement ils relèvent d’un profond relativisme culturel : « Nous les jugeons barbares à certains égards, ils nous jugent barbares à d’autres égards, ils ont autant raison que nous, leurs préjugés sont aussi peu fondés que les nôtres […].» Sauf à propos de la religion.
Par ailleurs, à cette reconnaissance, il faut ajouter, l’important métissage, dès les années 1660, dû en grande partie au déséquilibre entre les hommes et les femmes dans la société coloniale. À cette époque, beaucoup d’hommes, partis vers les Grands Lacs pour le commerce des fourrures, y trouveront une femme. Les couples métis deviennent amérindiens ou construisent des communautés métisses francophones.
Pour résumer, on peut dire qu’à cette époque l’influence amérindienne sur les valeurs, les comportements et l’identité est indéniable. On pourrait même dire que les Amérindiens assimilent bien plus les Français que l’inverse.

Rel. : Mais cette interaction entre colons, coureurs de bois et Autochtones s’inscrit malgré tout dans une politique coloniale?

D. D. : Que l’on considère indispensable l’alliance avec les Amérindiens d’un point de vue économique et militaire, qu’on juge les Amérindiens comme de bons « Sauvages », il n’en reste pas moins, en effet, que tous s’entendent pour dire qu’ils doivent passer à la civilisation et être placés sous le joug de la foi, et sous la protection et l’autorité du roi. Personne ne remet en question le rapport colonial, sauf peut-être le baron de Lahontan, un officier militaire, issu de la petite noblesse ruinée du sud de la France, qui parle, dans les années 1690, d’un pays que les Français ont usurpé aux « Sauvages » (Œuvres complètes, vol. 1, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1990).
Je retiendrai cependant ceci : sous le régime français, au-delà de cet objectif de fonder une nouvelle France, la proximité avec les Amérindiens est déterminante pour une grande partie de la population coloniale, elle influence énormément leur manière de vivre et de penser. 

Rel. : Une profonde rupture se serait produite, selon vous, sous le régime anglais. Comment l’expliquez-vous?

D. D. : Les paramètres politiques et religieux de l’Ancien Régime rendaient possible cette proximité au temps de la colonie française : ce que le roi et le pape demandaient était de croire à l’Église catholique, d’être loyal au roi de France et de combattre pour lui. Dans cette logique, il peut y avoir toutes sortes de statuts : nobles, paysans, éleveurs, Amérindiens; toutes sortes de communautés ethniques : Bretons, Occitans, Hurons, Sioux, etc. Ni la langue ni les institutions ne sont des facteurs d’assimilation. Elles ne le sont pas plus en France, à cette époque. D’autre part, le régime seigneurial de propriété terrienne, fondé sur la superposition de droits, pouvait facilement ajouter les droits des chasseurs amérindiens sur les terres des censitaires, à ceux du roi, du seigneur, du curé, etc. À cet égard,Histoire et description générale de la Nouvelle-France, de F.-X. Charlevoix, est le premier ouvrage important d’historien qui rend compte de cette situation historique particulière.
Mais la Conquête rompt avec cet état de choses. Le rapport des Britanniques avec les Amérindiens n’était pas le même. Ils maintenaient une distance bien plus grande avec eux. Essentiellement pour deux raisons. D’abord, leurs rapports avec les Amérindiens ont été historiquement plus conflictuels : les Britanniques vinrent s’implanter dans des régions beaucoup plus densément peuplées de la côte est américaine, déjà occupées par des cultivateurs amérindiens. Il y a eu des guerres dès le départ, des conflits autour de la possession des terres agricoles qui ont fini par devenir une véritable politique de génocide. En 1637, par exemple, les Puritains massacrent les Pequots qui habitaient l’actuel Connecticut, et plus tard, en 1675, ils écrasent durement une révolte des tribus de la Nouvelle-Angleterre liguées pour contrer la poussée coloniale anglaise.
L’autre raison tient au caractère plus moderne de la société anglaise sur les plans politique et foncier : ainsi, les Pèlerins (Pilgrims) fondateurs de la Nouvelle-Angleterre étaient habités par l’idée de contrat social. Ils venaient fonder une nouvelle société où le pouvoir résulterait, non pas d’une légitimation papale ou monarchique mais d’une participation de citoyens partageant les mêmes valeurs. Cela excluait l’invocation de privilèges de la tradition ou le maintien d’organisations politiques concurrentes. Qui plus est, ces colonies anglaises reposaient sur la propriété privée, c’est-à-dire sur l’appropriation exclusive de la terre. Les colonies anglaises ne pouvaient donc pas intégrer dans leurs structures politiques des Amérindiens qui évoquaient des particularismes politiques, religieux ou fonciers.
Tout comme les Hollandais de la Nouvelle-Amsterdam, ils optèrent pour une démarcation claire. Une frontière fut dès l'origine établie entre le monde colonial anglais et celui des Amérindiens. Cela se pratiqua sur le mode de l’indirect rule, les autorités britanniques limitant l’essentiel de leurs relations diplomatiques à une seule fédération (la Ligue iroquoise) qu’ils élevèrent au-dessus des autres nations pour parler en leur nom. Par opposition, les autorités politiques françaises entretenaient des rapports directs avec toutes les nations alliées. Bref, le modèle colonial anglais s’apparentait davantage à l’apartheid et le modèle français davantage au métissage.
Dans la logique britannique, il n’y a pas de place pour la proximité avec les « Sauvages », ni pour les Métis qui ne peuvent pas être intégrés dans le contrat social de la communauté nouvelle, ne partageant ni ses valeurs politiques ni ses valeurs religieuses.
Quand les Anglais prennent l’Acadie, en 1713, ils sont rapidement confrontés à l’absence de démarcation nette entre Acadiens et Micmacs à cause de l’importance des intermariages. Un des arguments fondamentaux pour justifier la déportation des Acadiens, c’est qu’ils sont « ensauvagés », métissés. Ils ne sont plus vraiment des Européens, ils n’ont plus droit à la terre. Ils sont tout simplement dépossédés de leur terre, comme les « Sauvages ».
Cette manière de voir a joué, après la Conquête, un rôle important au Canada. Les Canadiens ont eu très peur de subir le même sort que les Acadiens. Étant eux-mêmes très proches des Amérindiens, ils pourraient être jugés trop métissés, « ensauvagés » et donc dépossédés de leur terre. L’interaction est, en effet, si étroite avec eux, que les observateurs anglais – comme Murray par exemple – s’étonnent de ne pouvoir faire la différence entre un Huron et un Canadien. 

Rel. : Dites-vous que la peur d’être dépossédés de leurs terres aurait fait en sorte que les Canadiens français auraient renié cette proximité historique avec les Autochtones, comme un réflexe de survie?

D. D. : Un réflexe de survie, mais dans le regard du maître. On s’ajuste au regard du maître et on tient le discours qu’il faut pour échapper à sa vindicte, en particulier à la dépossession territoriale. Les Canadiens vont développer un discours de justification proche du déni : « C’est vrai que nous étions proches des “Sauvages”, que nous nous sommes mêlés à eux mais c’était en tant qu’avant-garde de la civilisation européenne et chrétienne ». Ce discours occulte, voire nie l’histoire du métissage biologique et culturel : les très nombreux mariages interethniques dans les Pays d’en haut particulièrement, c’est-à-dire dans les régions des Grands Lacs et du Mississippi; le processus d’indianisation tant des coureurs de bois que des missionnaires; l’envoûtement des observateurs européens pour les langues et pour les institutions amérindiennes depuis la famille jusqu’aux conseils des villages et des fédérations de nations qui confortent la légitimité de principes républicains. Cela occulte également les nombreux transferts culturels bilatéraux relatifs à l’adaptation à l’hiver, aux transports, à la survie en forêt, à l’alimentation. Cela occulte enfin à quel point la rencontre et la confrontation avec les sociétés amérindiennes ont alimenté le relativisme culturel et la critique sociale tant dans la colonie qu’en Europe : critiques des hiérarchies, de la famille, de la monarchie, etc.
Les Anglais, cependant, devant la menace de la Révolution américaine, vont rapidement chausser les bottes des Français en reprenant une politique d’alliance avec les Amérindiens qu’ils vont tenir jusqu’en 1815, date à laquelle ils n’auront plus besoin d’eux. Mais pour les Canadiens français, le mal était fait : ils se définissent dorénavant dans le regard du maître. Une honte de soi fait son œuvre. Ils rompent avec leur passé compromettant. Ils n’ont dorénavant plus rien à voir avec les Autochtones. On se rappellera comment, jusqu’à une époque récente, on taisait, cachait tout lien de parenté avec eux.
À partir du XIXe siècle, d’autres phénomènes vont renforcer cette distanciation par rapport à la question autochtone. Il y a d’abord la politique d’assimilation des Canadiens français mise en place par le gouvernement britannique. La manière d’y faire face a été de revendiquer l’appartenance à la grande civilisation française : c’est un argument de poids aux yeux des Anglais, parce que la langue française a, au XVIIIe et au XIXe siècles, un statut très prestigieux. À ce titre, les Canadiens français peuvent compter négocier avec le maître anglais. D’aucune manière, dans la défense de l’identité canadienne-française, il ne fallait être associé, dans l’histoire, aux « Sauvages ». On est toujours là dans le regard du maître.
Ensuite, la montée des théories racistes, au XIXe siècle, avec le darwinisme social qui classait, sur une échelle, en bas, les sociétés primitives arriérées, jugées proches du monde animal et appelées à disparaître, et, tout en haut, les sociétés dites civilisées. Il justifiait la domination impériale par la sélection des sociétés les plus fortes et l’élimination « naturelle » des sociétés comme des espèces les plus faibles. Dès lors, les sociétés conquises et minoritaires, comme le Canada français, ne pouvaient dans la lutte pour leur survivance qu’invoquer leur rattachement à l’Europe et occulter leur part de métissage et « d’ensauvagement ».
Et, enfin, l’émergence de l’histoire nationale moderne, à partir des années 1960, a placé l’accent sur le territoire du Québec plutôt que sur la diaspora canadienne-française, contribuant à occulter un pan de notre passé. On s’intéresse désormais davantage à l’habitant cultivateur qu’au coureur des bois, trafiquant de fourrures; davantage au curé qu’au missionnaire; davantage au fonctionnaire qu’à l’explorateur, etc. Bref, on délaisse les espaces et les personnages d’interaction qui rattachaient étroitement l’histoire nationale aux Amérindiens. D’autant plus qu’une bonne part de celle-ci s’est déroulée dans les Grands-Lacs, hors du territoire national actuel.
Mais, si nous écrivons l’histoire des Québécois, encore faut-il prendre en compte l’histoire de tous les habitants du territoire. Des efforts sérieux ont commencé en ce sens, mais nous sommes encore loin de l’intégrer dans la vision du monde des Québécois. Quand Bruce Trigger écrit Les enfants d’Aataentsic – L’histoire du peuple huron (éditions Libre Expression, 1991), il fait l’histoire des Québécois. Quand Toby Morantz publie son histoire des Cris du Québec, The white man’s gonna getch : the colonial challenge to the Crees in Quebec (éditions McGill-Queen’s University Press, 2002), elle contribue à l’histoire du Québec. Une revue comme Recherches amérindiennes au Québec répond également à cet objectif. L’enseignement de l’histoire dans les écoles a pris les virages nécessaires pour y bien intégrer les Amérindiens. C’est quand même une aberration et une honte que notre histoire ait occulté si longtemps ceux qui sont ici depuis 10 000 ans, et que nous ayons si longtemps passé sous silence une si riche histoire commune!
Un phénomène important qui a contribué à ces changements a été l’émergence des Amérindiens dans l’espace public. Ils forcent la porte de l’histoire. Ils nous forcent à les reconnaître. À reconnaître qu’au Québec, comme au Canada, il n’y a pas un ni deux mais trois nationalismes qui perdurent à travers l’histoire : celui des Autochtones, au sens large, Amérindiens, Inuits, Métis, à côté de celui des francophones et de celui des anglophones.
La table est mise pour une reconnaissance mutuelle et une autonomie politique – avec les institutions et les responsabilités que cela entraîne. Un passage obligé à cette reconnaissance politique et nationale est l’abrogation de la Loi sur les Indiens qui a condamné les Amérindiens à la marginalité. Elle les infantilise, faisant d’eux des pupilles de l’État et les enferme finalement dans une identité fondée sur le sang, intenable politiquement. Les soi-disant privilèges qu’elle leur accorde, tout compte fait les défavorisent. Ce sont des privilèges d’enfants qui les empêchent d’être adultes. 

***


Va printemps!


Photo JD, Béthanie, 19 juin 2015

« On n'a pas de printemps à perdre», a dit un jour le grand sculpteur Armand Vaillancourt Complet. Cré Printemps! On désespère tant et tant qu'il daigne arriver, mais pas un mot quand il tire sa révérence ayant tout agrandi, le jour et la lumière, promesses tenues, arbres dans les feuilles et les merles, l'engoulevent et la chorale des jardins fleuris, mais aussi, toutes nos petites morts successives... 



Vlà le temps des foins et le temps des fraises qui recommencent... 

Merci beaux ciels de ce printemps-ci! Passe un bel été de plumes voyageuses!


Journée des autochtones

Vraiment un beau souhait de Seb Malette que je salue en cette journée des autochtones. C'est au-delà des mots, esprit qui nous anime et nous dépasse, une soif commune, la certitude de la joie profonde d'habiter ces terres. Enfin vu hier à la télé l'Empreinte. Magnifique Joséphine Bacon! Je retiens avant tout les propos de l'historien Delage et ceux de Serge Bouchard. Il nous faut en effet débâtir l'histoire - n'en déplaise à Philippe Couillard! -, et retisser les plus fines mailles de cet étonnant métissage! C'est aussi mon souhait le plus cher. En termes politiques cela sous-entend l'égalité des peuples et des nations au Kanata. "Patience, patience dans l'azur..."

16 juin 2015

L'Académie française, vieille et digne et un peu vlimeuse?


Je suis de ceux qui se réjouissent sans réserve de l'entrée de Windsor Klébert Laferrière, dit Dany, en sa qualité inamovible d'académicien dans le club select des Immortels. Et tant mieux s'il sera désormais traité aux petits oignons jusqu'à la fin de ses jours grâce à cette très illustre institution étatique de la vieille France fondée par Richelieu qui n'était pas alors une rivière québécoise (alias Masoliantekw, alias rivière aux Iroquoisen 1625. Comme Dany tenant de sa grand-mère l'a déjà déclaré : « Il faut se réveiller très très très tôt pour avoir une vie facile, il faut travailler plus que les autres. »

Parce que je l'admire, que je l'aime et parce que c'est un gars de mon âge, j'espère avant tout que cet écrivain de grand panache à la fois ensoleillé et constellé de flocons émoustillés, échappés de quelques arpents de neige continuera à écrire en pyjamas s'il le désire, à Miami s'il le préfère, à lire en masse et à réfléchir à la chaîne des lecteurs et des auteurs. Car la vraie éternité libre et gratuite se trouve là, du côté de l'humanité.

Reste que la prestigieuse Académie française demeure, à tout le moins pour moi, assez peu connue en nos parages si adolescents et si américains. Oui, nous autres, peuple françois entouré de speak english, disant si familièrement tire-toi une bûche, c'est-à-dire : assis toé au lieu de assied-toi! Nous avons un si grand besoin de garde-fous linguistiques!

Or voici que dans sa chronique du lundi au Devoir, Jean-François Nadeau dessine un portrait griffé, comment dire? Quelque peu bourgeois décadent de certaines pratiques actuelles de l'institution en regard de l'argent.  En ces temps d'austérité occidentale mur à mur, cette institution ne semble certes pas manquer de bois ni de blé ni d'oseille ni de bidous pour les jours de disette intellectuelle.

Donner des coups d'épée dans l'eau n'est pas dans la manière de l'auteur de Comment faire l'amour à un nègre sans se fatiguer qui, lisant ce texte de son ami Nadeau, va sans doute élaborer dans sa barbe une petite émeute singulière, au cas où. Pour la postérité qui se nourrit toujours de la jugeote du futur antérieur. Ainsi, dans cent ans, peut-être que l'Académie aura terminé son dictionnaire?  Et peut-être que le mot tataouiner aura été reçu, logé à jamais grâce à Dany. 





Jean-François Nadeau, Sans se fatiguer, Le Devoir, 15 juin 2015

Il est amusant parfois de parcourir de vieilles anthologies. Connaissez-vous André Theuriet, Émile Mâle, François Albert-Buisson, Marc Boegner, René de La Croix de Castries ? Qui sont-ils ? En tout cas, ils gisent au milieu de champs de papiers jaunis, parmi les rangs de célébrités fanées.



Pourtant, ils étaient tous académiciens. Ils occupaient d’ailleurs le même fauteuil d’hommes en vert que Dany Laferrière, soit le numéro deux.


À Montréal, la tête de Laferrière, façonnée dans la cire, montée sur un mannequin, vient de faire son entrée au Musée Grévin. Matière à une statuaire du pauvre, la cire ne parvient qu’à souligner un mensonge qu’on persiste tout de même, en des lieux pareils, à présenter pour un équivalent de la vérité. C’est dire, avec de la cire, l’idée creuse qu’on se fait souvent de vies pleines.


Je songe à Montesquieu, Yourcenar, Ionesco, Musset, Tocqueville, La Fontaine, Duby, Lévi-Strauss, et quelques autres. Je ne sais pas s’il convient de parier que Laferrière se trouvera un jour au nombre de ces rares académiciens dont les noms honorent d’abord cette institution plutôt que l’inverse.


Au moins, Laferrière aura permis aux Québécois de prendre conscience de ce temple culturel qui obéit sans défaillir à des codes qui, pour ridicules qu’ils soient, assurent une certaine transmission en faveur de la perpétuation d’une société.


Mais tant qu’à découvrir l’Académie française, peut-être faudrait-il apprendre à connaître aussi le curieux rapport que cette institution entretient avec l’argent.


Un rapport de la Cour des comptes, rendu public il y a quelques semaines, montre à quel point l’Institut de France, qui comprend l’Académie française, s’offre une étonnante gestion de ses affaires. L’Institut gère en principe un patrimoine de plus 1,5 milliard d’euros, des placements financiers, des biens immobiliers et fonciers (11 000 hectares de terre) et des collections d’oeuvres d’art, dont la plus grande collection de toiles de Monet.


C’est un peu désordre à l’Académie. Parfois, des biens s’égarent, observe la Cour. Comme cette jolie collection d’estampes, réputée perdue, jusqu’à ce qu’on la retrouve sous le lit « du directeur scientifique de la bibliothèque au moment de son départ à la retraite ».


On ne compte pas non plus avec précision le nombre de fondations qu’abritent ses bâtiments. Plus de 1100 apparemment, dont certaines appartiennent à la famille ou à des proches des immortels. Certaines transactions de ces fondations peu transparentes s’élèvent pourtant à plusieurs millions.


Plusieurs membres de l’Académie sont par ailleurs logés sans frais, dans des conditions qui défient souvent l’entendement. « Des logements sont attribués à des conditions particulièrement avantageuses, voire gratuitement, sans aucune justification et parfois sans que les instances dirigeantes aient été consultées. »


L’ancien chef de cabinet de l’institution, licencié en 2008, « a disposé pendant plusieurs années de cinq logements », dont le « château de Berzée, en Belgique, propriété de l’académie ». Les avantages financiers consentis aux académiciens apparaissent d’ailleurs presque immortels.


Le rapport cite des exemples célèbres. Maurice Genevoix, élu en 1949, démissionne en 1974, mais jouit jusqu’à sa mort gracieusement d’un vaste appartement. Puis, son épouse continue d’habiter les lieux aux mêmes conditions, jusqu’à son décès en 2012. On apprend aussi que l’auteur des Rois maudits, Maurice Druon, n’était pas seulement opposé à l’entrée d’une première femme à l’Académie, Marguerite Yourcenar, à la féminisation des mots ainsi qu’à certains usages contemporains, québécois ou autres, jugés barbares. Druon occupa sans frais, presque toute sa vie, un logement d’une valeur mensuelle de plus de 5400 euros. Puis à sa mort, en 2009, sa veuve se vit attribuer, en plus du logement, une « contribution » mensuelle supplémentaire de 3000 euros, sans qu’aucune justification soit donnée.


La Cour n’en finit pas d’observer les anomalies à propos de l’Académie. Alors que les effectifs y sont demeurés à peu près les mêmes, les salaires ont explosé depuis 2005, avec des augmentations passant de 5 à 60 %. La gestion et la politique salariale du personnel sont « marquées par une absence quasi totale de règles formalisées ». On note une hausse exponentielle des salaires, sans pouvoir chiffrer de surcroît les avantages « en nature injustifiés » que permet en plus l’Académie. Les seuls coûts représentés par les indemnités versées par l’État à chaque académicien se sont élevés en 2013 à 2,6 millions d’euros, soit en moyenne à 65 000 euros par tête d’immortel.


Comment dire ? Je ris un peu lorsque j’entends l’ami Laferrière parler soudain avec beaucoup de componction des rigueurs de l’hiver québécois, de la majesté des saisons et de leur succession, lui qui longtemps rêvait de fuir ce pays pour se réfugier à Miami. Au moins, je sais qu’il travaille maintenant à fond, en toute saison, et plus seulement pour des prunes.


La vénérable institution chargée de normaliser et de moderniser la langue française a prévu achever l’an prochain, entre la rédaction d’habituels avis linguistiques, la refonte de son dictionnaire. Il s’agit de la neuvième édition depuis 1635, soit en moyenne une parution tous les 42 ans. Peut-être Laferrière sera-t-il obligé de dénoncer, avec l’humour qu’on lui connaît, ces cadences pour un travail à l’évidence si mal rémunéré ?


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Pascal Quignard en ses jardins d'Orient

Noticias

Vient de paraître sous la direction de Christian Doumet et Midoro Ogawa :  Pascal Quignard. La littérature à son Orient, Presses Universitaires de Vincennes, juin 2015.

Ça semble emplit de soleil et de zestes citronnés : « Lorsque Pascal Quignard s’embarque en direction du soleil levant, c’est avec l’œil neuf, érudit et inventif à la fois qu’il emploie à parcourir tous les textes. La Chine, le Japon ne sont pour lui rien d’autre que des pages couvertes de signes indéchiffrables, beaux comme des jardins. »

Cher Stephen, c'est fini


Extrait : « Il y a présentement au moins 1186 femmes disparues ou assassinées au pays et vous refusez de reconnaître les causes systémiques de ce phénomène. Vous refusez aussi de voir l’urgence d’entamer une enquête nationale indépendante sur cette question, alors que cette revendication a été approuvée par de nombreuses organisations autochtones et de défense des droits de la personne ainsi que par l’Organisation des Nations unies (ONU). »
Lettre de Widia Larivière.

Widia, miliante, Femmes autochtones du Québec.

Pakuakumit

 Belle toune de Kashtin.



Kashtin - Pakuakumit


E kunnu minuat tshe nekumian
Miam uitakushit ka tutaman ashit nuitsheuan
E kunnu minuat peikuau tshe pamuteian
Tshe uataman minuat peikuau e man'teuian

Ni minuen'ten e uishamin E tepuashin tshetshi uapmin
Ni pukuaten tshetshi tshiueian nte menepian

Ni minuen'ten e uishamin E tepuashin tshetshi uapmin
Ni pukuaten tshetshi tshiueian nte menepian

Kie shah n'tshish anu metshetut niuitseuan
Pessamit nte Pakuakumit kie mak Kuanshit
Kassinu tshessentamut muenu n'tshish pet eshen'kaskuk
E uapmakau e nikamutau nenekamun

Ni minuen'ten e uishamin E tepuashin tshetshi uapmin
Ni pukuaten tshetshi tshiueian nte menepain

Ni minuen'ten e uishamin E tepuashin tshetshi uapmin
Ni pukuaten tshetshi tshiueian nte menepain
Ni pukuaten tshetshi tshiueian nte menepian
Ni pukuaten tshetshi tshiueian nte menepian

15 juin 2015

Génocide culturel au Canada


Le 2 juin dernier, la Commission de vérité et réconciliation présidée par le juge Sinclair a remis son rapport final. Un rapport préliminaire avait été déposé en 2012. Je tiens à lire ce rapport.

Le mandat de la CVR visait à « découvrir ce qui s’est réellement passé dans les pensionnats indiens, pour que les citoyens du Canada apprennent la vérité. »  La commission s'est penchée « sur ce que les exploitants des pensionnats indiens ont noté dans leurs dossiers, sur les déclarations des dirigeants de ces établissements scolaires, et sur les expériences des survivants, de leurs familles, des collectivités et de toute personne ayant été touchée par l’expérience des pensionnats indiens et les répercussions qui en découlent»

Voici le résumé qu'en faisait Radio-Canada lors du dépôt du rapport :

« Après avoir recueilli pendant six ans les témoignages sur les sévices subis par les anciens élèves des pensionnats autochtones, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a remis son rapport final.

La commission conclut que les pensionnats autochtones étaient un outil central d'un génocide culturel à l'égard des premiers peuples du Canada, et seul un réengagement important de l'État pour leur permettre un accès à l'égalité des chances peut paver la voie vers une véritable réconciliation.

Depuis la fin du 19e siècle, environ 150 000 enfants indiens, inuits ou métis ont été retirés de leur famille et envoyés de force dans des écoles religieuses. Le dernier pensionnat autochtone, près de Regina, a fermé ses portes en 1996.

La commission a parcouru le pays non seulement pour entendre les témoignages des anciens élèves des pensionnats autochtones, mais aussi pour faciliter la réconciliation entre Autochtones et non-Autochtones. »

Corriger le tableau

De jeunes ados atikamekws de Manawan s'expriment dans un court métrage amateur (Wapikoni, 2012), au-delà des préjugés racistes qui ont la couenne dure.  

Vive Wapikoni qui depuis 10 ans donne la parole et la caméra aux jeunes autochtones qui font le tour des festivals dans le monde entier avec leurs productions!

06 juin 2015

Fable de Vigneault pour Jacques Parizeau


Dans son édition de ce samedi, le journal Le Devoir, comme il se doit, consacre un cahier spécial à la mémoire de l'ex-premier ministre Jacques Parizeau décédé le 2 juin 2015. Parmi la douzaine de textes se trouve cette petite fable du grand Gilles Vigneault qui en dit beaucoup. Ailleurs, il a pu dire le Vigneault du par coeur, l'oeil fixé sur l'horizon :

« Mettez vot' parka, j'mets le mien
            Vous verrez d'où ce que le vent vient »




« C’était un homme aisé, dans un village de la côte, un homme qui connaissait l’argent, mais qui n’y était point soumis. Et que des circonstances particulières avaient élevé dans l’habitude de cet outil qu’il ne faut jamais, disait-il, élever au rang de maître. Il connaissait aussi l’histoire du village et celle des gros navires qui accostaient parfois au quai modeste du village.

Les rares touristes qui en descendaient, par curiosité pour l’indigène, ne souhaitaient pas plus que l’équipage voir les gens du lieu monter à bord. Précaution inutile, personne du village n’en rêvait. Notre bonhomme que la peur n’eut jamais l’honneur d’habiter, ayant senti des ondes de mépris émanant d’un de ces navires, conçut le plan de construire un navire qui permettrait à tous ceux du village qui le voudraient de trouver ouverture sur le monde. On avait trouvé des bois nobles, mille effets d’accastillages et surtout un savoir-faire, ignoré de ceux mêmes qui s’y découvraient.

Il fut bien sûr d’abord en butte aux quolibets, traité de rêveur, et lorsque des officiers du grand navire le surent… il se vit surveillé. On riait, on brocardait encore, mais on finit par comprendre qu’il avait inventé des outils capables de bâtir. On mobilisa ceux du village qui s’étaient montrés réticents et on leur fit comprendre le danger d’une telle entreprise et surtout qu’elle était irrémédiablement vouée à l’échec.

Il persista quand même et un certain nombre avec lui. Le jour où tout le village était convoqué pour le lancement du bateau… il y eut tellement de peur que les grands navires ne reviennent plus jamais accoster à leur quai, il y eut tellement de trahisons que les quelques fidèles qui lui restaient ne purent à eux seuls réparer les câbles du treuil qui avaient été coupés dans la nuit et que le bateau est là, prêt à prendre la mer… et que… le bâtisseur mourut de chagrin.

Les gros navires sont revenus accoster, rassurés. Ils parlent beaucoup plus gentiment aux villageois et l’un d’eux leur a même suggéré de faire de « cette merveille » (c’est ce qu’il a dit du bateau) une attraction touristique… qui pourrait attirer encore plus de gros navires… sur lesquels ils sont désormais invités à travailler et peut-être un jour à voyager…

Bien sûr, l’équipage de la première heure reste irréductible, mais les villageois sont perplexes. Les gens des gros navires rendent sans arrêt depuis un tel concert d’hommages au bâtisseur que les villageois s’interrogent.»

- Gilles Vigneault, Le Devoir, 6 juin 2015

05 juin 2015

Le grand Jacques Parizeau vu par Françoise David


Très bel hommage de Mme David à l'Assemblée nationale à la mémoire de Monsieur Parizeau décédé le 2 juin 2015. En des mots dignes et justes, la députée de Québec solidaire témoigne de l'héritage considérable que laisse cet homme d’exception à la société québécoise.  Révolutionnaire tranquille avec quelques autres, Parizeau a littéralement propulsé le Québec sur le chemin de la liberté sans jamais perdre de vue les inégalités de toutes sortes, à commencer par l’inégalité politique des Québécois au sein du Canada.    

Sous l'insistance de son ami Gaston Miron, Monsieur Parizeau a publié en 1997 une série de textes et de discours sous le titre Pour un Québec souverain (vlb éditeur). La petite librairie du Complexe Guy-Favreau (devenue à présent une succursale de Renaud-Bray) organisait à l'époque de fréquentes rencontres avec les auteurs. Monsieur Parizeau fut invité et j'étais un des premiers de la file à faire signer mon exemplaire. Ce n'était pas là pour moi une coquetterie mondaine.  Je tenais à lui dire de vive voix merci. 


Rencontre de Max Biro


C'est avec tristesse que j'ai appris il y a deux semaines par Jean-Paul Damaggio le décès de son ami Max Biro, écrivain, peintre, homme engagé dans sa communauté du Gers.


À partir d'un mot rapide que je lui ai envoyé, Jean-Paul rappelait sur la page des Éditions de la Brochure ma rencontre inoubliable avec Max à Foix en juillet 2009. Voici ce que j'évoquais :

« Foix, l'Ariège, les Pyrénées baignant au loin dans la brume, le Château avec les marques poignantes sur les pierres des prisonniers de jadis, les petits bistros sympathiques au fil des rues étroites et pentues, magnifique coin de pays où persiste dans une douce ambiance le festival Résistances. Merci de rappeler qu'en juillet 2009 j'ai eu le bonheur d'y rencontrer Monique (dont c'était l'anniversaire) et Max, narquois, généreux, le résistant impressionnant contre la tentaculaire Lyonnaise des eaux, autour de la table des Éditions de la Brochure. Rencontre inoubliable par tes bons soins qui m'est très chère. »

En supplément et en vrac, quelques photos souvenirs. 

Repose en paix cher Max.



Photo JD, Max Biro, Foix, 3 juillet 2009.


Jean-Paul Damaggio et Max.
Photo JD, Foix, juillet 2009.

Photo JD.
Photo J.P. Damaggio, Jacques et Marie-France au Château de Foix.

Photo JD, visite au Château de Foix.


Photo JD., Monique affairée à la roulotte.
 

Photo JD, affiche du Festival Résistances 2009.

Vue de Foix à partir d'une ancienne cellule du célèbre Château de Foix.

Photo JD, les Pyrénées au loin.

Photo JD, Marie-France, Jean-Paul, Monique et Max.